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简报

Contentieux climatiques: tendances et perspectives

Avertissement: Cette note a pour objectif de donner un aperçu des tendances en matière de contentieux climatiques et des perspectives d’évolution en Europe et aux Etats-Unis essentiellement, elle n’a pas la prétention de l’exhaustivité sur ce sujet complexe et fait l’objet de mises à jour régulières en fonction des évolutions législatives et jurisprudentielles à venir.

L’expression « contentieux climatiques » est relativement récente puisqu’elle remonte au début des années 2000 avec les premiers contentieux engagés contre des Etats et des collectivités territoriales aux Etats-Unis et en Europe par des ONG et des collectifs de citoyens avec pour objectif de sanctionner l’inaction des pouvoirs publics et de les contraindre à des actions en ce domaine. Cette expression s’est peu à peu élargie pour englober les contentieux contre des entreprises liés à leur impact sur le changement climatique, à la violation de règles RSE/CSR/ESG : reporting de durabilité, écoblanchiment principalement et du droit de l’environnement. C’est cette acception large qui sera retenue dans cette étude. Le dernier rapport Global trends in climate change litigation publié en juin 2024 par la London School of Economics[1] -LSE-a recensé 2666 contentieux climatiques (tous défendeurs confondus) dont 140 cas d’écoblanchiment .70 % des contentieux ont été initiés depuis 2015, date de l’Accord de Paris sur le climat, contre des entreprises. Ce rapport constate une stabilisation de la progression de ces contentieux en 2023 : 230 nouveaux cas dont la majorité aux Etats-Unis, au lieu de l’explosion annoncée dans son rapport précédent des contentieux dits climatiques et particulièrement des contentieux RSE/CSR//ESG. Toutefois si le nombre de cas s’est stabilisé, selon ce rapport, les cas sont plus stratégiques, le nombre des pays concernés s’est étendu et le ralentissement pourrait n’être que temporaire.

1. Les demandeurs

Les demandeurs dans les actions climatiques sont majoritairement des ONG, des associations de défense de l’environnement ou des droits humains, des collectivités territoriales, mais également des citoyens :

  • Depuis 2015 un groupe de jeunes a porté plainte contre les Etats-Unis (affaire Juliana et autres c. Etats-Unis) pour ne pas avoir lutté contre les effets du dérèglement climatique. L’affaire n’a toujours pas été instruite à ce jour mais en mai 2024, une cour d’appel fédérale vient de donner suite à la demande de l’administration Biden d’annuler cette demande.
  • En août 2023, des juniors ont obtenu qu’un tribunal du Montana déclare contraire à la Constitution de l’Etat une loi qui interdisait à ce dernier de prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre sur le climat lors de l’attribution des permis d’exploitation aux entreprises d’énergies fossiles.
  • En avril 2024, des étudiants de Columbia, de Tulana et l’Université de Virginie ont saisi les Procureurs généraux de leurs Etats respectifs pour des investissements de leurs universités dans des combustibles fossiles en violation du Uniform Prudent Management of Institutional Fund Act qui oblige les institutions à but non lucratif à tenir compte de leurs fins caritatives lorsqu’elles investissent et à faire preuve de prudence. Certaines universités cibles d’actions similaires en 2023 ont annoncé renoncer aux investissements dans les énergies fossiles.
  • Le 9 avril 2024, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Suisse pour inaction climatique, à l’initiative d’une association de seniors suisses.
  • Le 21 juin 2022, l’Etat d’Hawaï est parvenu à un accord qualifié d’historique par les deux parties à l’issue d’un contentieux engagé en 2022 avec plus d’une douzaine de jeunes activistes du climat pour violation de la Constitution. Le plan prévoit la décarbonation intégrale des moyens de transport publics avec un objectif de zéro émission au plus tard en 2045.
  • Our Children’s Trust a également engagé des actions similaires en Alaska, en Floride, en Utah et en Virginie et une action contre la US Environmental Protection Agency est pendante.

Les demandeurs sont également des actionnaires activistes et des agriculteurs :

  • Devant les juridictions allemandes : en 2015, un fermier péruvien a intenté une action contre l’énergéticien allemand RWE – l’action est toujours en cours. Un agriculteur allemand a également assigné Volkswagen mais sa demande a été rejetée en février 2023, ou encore
  • Devant les juridictions belges : en mars 2024, un agriculteur belge a assigné TotalEnergies(v.infra).

La coopération entre les ONG qui se partagent informations et argumentaires est notable en ce domaine.

2. Les défendeurs

Initialement essentiellement engagés contre des Etats (Etats-Unis, Pays-Bas, Norvège, France notamment) et des collectivités locales (Etats-Unis, France notamment) avec pour objectif la sanction de l’inaction alléguée des pouvoirs publics, ces contentieux sont aujourd’hui de plus en plus souvent dirigés contre des entreprises.

Les principaux secteurs visés sont :

  • Le secteur de l’énergie en tête avec de nombreux contentieux engagés dans le monde contre les majors pétroliers et gaziers et les électriciens.
  • La chimie, l’agriculture et l’élevage intensifs en Amazonie notamment.
  • Le secteur financier pour le financement des entreprises de ces secteurs[2]. Dans un article paru récemment dans la revue Science publiée par l’Université d’Oxford, Thom Wetzer alerte les banques, les compagnies d’assurance et les fonds de pension sur les énormes risques de pertes consécutives aux contentieux climatiques contre des sociétés dans lesquelles ils investissent, parlant même de « blind spot » pour l’industrie financière. Comme le souligne également le rapport de la LSE précité, ces contentieux représentent un défi grandissant pour les secteurs de l’assurance et de la réassurance, v. p 48.
  • La grande distribution dans une moindre mesure.

Il est probable si le développement des contentieux RSE/CSR/ESG (V. infra) se confirmait que l’ensemble des secteurs serait progressivement concerné.

Mais outre les entreprises, ces contentieux pourraient à l’avenir viser les dirigeants de ces entreprises et même certains de leurs actionnaires. Pour l’instant toutefois ces cas restent encore isolés. Cinq cas peuvent être identifiés, dont un en France :

  • Un cas au Royaume-Uni contre les administrateurs de la société pétrolière, Shell, sur la base du droit des sociétés (derivative action rejetée par la High Court of Justice of England and Wales en mai, confirmée en juillet 2023 et devenue définitive en août 2023).

    Cette action est fondée sur la mauvaise gestion de la stratégie climatique de l’entreprise, à la suite de la décision en mai 2021 de de la District Court de La Haye ordonnant à la société de respecter les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat.

    Cette action visait à faire reconnaître une faute des administrateurs au motif que la politique d’adaptation du groupe au dérèglement climatique était inadéquate et à obtenir le prononcé d’une injonction d’adopter des mesures appropriées pour gérer le risque climatique et de se conformer à la décision du tribunal de La Haye. La motivation du rejet par la High Court of Justice of England and Wales de cette derivative action est très intéressante. Selon la Cour, l’ONG n’a pas été en mesure de prouver que le conseil d’administration n’a pas agi dans l’intérêt de la société et des actionnaires, les obligations prétendument bafouées étant vagues de surcroît.

    Et surtout la Cour a estimé qu’il n’appartenait pas aux actionnaires ni d’ailleurs au juge de se substituer aux administrateurs pour juger de ce qui est bon ou non pour l’entreprise. Enfin, la Cour a noté le soutien d’une majorité des actionnaires aux plans climatiques qui leur ont été soumis. Toutefois, les commentateurs considèrent que cette décision, si elle peut être jugée rassurante sur l’affirmation des rôles respectifs des actionnaires et des administrateurs, ne devrait pas être interprétée comme fermant définitivement la porte à une mise en cause des administrateurs, la gestion de ces derniers devant être appréciée sous l’angle des changements climatiques.
  • Un cas particulièrement intéressant en Pologne : en janvier 2024, les actionnaires d’une société du secteur de l’énergie ont donné leur accord à la direction de la société pour poursuivre en justice les anciens dirigeants et membres du conseil de surveillance pour violation de leur devoir de vigilance ainsi que la compagnie d’assurance de la société. Il leur est reproché d’avoir investi dans une centrale électrique au charbon, l’abandon du projet, en raison de la hausse du prix de carbone, ayant coûté 160 millions de dollars.
  • Deux plaintes collectives en 2023 d’une part contre les dirigeants de l’aciérie Tata pour pollution de l’air au nom de 1 200 personnes et d’un certain nombre de fondations et d’autre part contre les dirigeants de Chemours, une entreprise chimique, pour mise en décharge intentionnelle de déchets toxiques incluant des PFAS (dits polluants éternels) au nom de 2 000 personnes devant des juridictions néerlandaises (enquêtes en cours) plaintes doublées d’actions collectives en réparation au civil (v. infra) .
  • Une plainte déposée le 21 mai 2024 auprès du Tribunal judiciaire de Paris contre X visant TotalEnergies, certains membres du conseil d’administration et son président directeur général et certains grands actionnaires (dont BlackRock et la banque Centrale de Norvège Norges Bank) pour avoir voté en faveur de stratégies incompatibles avec la protection du climat. La plainte pour homicide involontaire et atteinte à la biodiversité est co-signée par trois ONG et huit « survivants et victimes du changement climatique » venant de France, du Pakistan, de Grèce, de Belgique, du Zimbabwe, d’Australie et des Philippines affectées par de récents cataclysmes.

La mise en œuvre de stratégies pertinentes en ce domaine devra sans doute être désormais être intégrée dans la définition de ce qui est attendu d’un dirigeant normalement compétent. Si l’on s’en tient au droit français, la responsabilité civile des dirigeants ne devrait pas être engagée dès lors qu’ils démontreront qu’ils ont pris en compte les objectifs climatiques et RSE de la société et les intérêts des parties prenantes dans la définition de la stratégie de cette dernière. Mais certains n’excluent pas dans l’avenir l’émergence d’un droit sociétal détaché du droit des sociétés jusqu’à présent très protecteur du dirigeant[3] et de l’actionnaire.

A noter également, l’opinion juridique émise le 13 mars dernier en Angleterre par un groupe de barristers spécialisés en droit des sociétés et en droit financier et un spécialiste en droit de l’environnement, à la demande de Pollination et de la Commonwealth Climate and Law Initiative qui considèrent que les dirigeants d’une société doivent prendre en compte les risques liés à la nature entendus comme étant plus larges que les risques climatiques, sous peine de violer leurs fiduciary duties et d’engager leur responsabilité.

Autres cibles potentielles : on note récemment l’assignation par une ONG d’une autorité de marché. En effet, au Royaume-Uni, l’association ClientEarth a assigné la Financial Conduct Authority pour avoir approuvé le prospectus d’une société pétrolière et gazière lors de son introduction à la Bourse de Londres au motif que le régulateur n’aurait pas suffisamment insisté sur le risque climatique. Mais ClientEarth a été déboutée de son action par la High Court en juin 2023.

… et la plainte déposée contre un cabinet de conseil : ainsi, aux Etats-Unis, le cabinet de consultants McKinsey fait actuellement l’objet d’une plainte en tant que principal conseil de l’industrie pétrolière pour avoir conseillé ces sociétés dans leur stratégie visant à minimiser le lien entre les gaz à effet de serre et le changement climatique.

A venir les cabinets d’avocats en défense ? Selon le directeur en charge du changement climatique et des contentieux stratégiques du Children’s Investment Fund Foundation (CIFF) branche philanthropique du TCI Fund Managment crée par Chris Hohn et selon certains actionnaires activistes « Follow this » et « Say on Climate », les cabinets d’avocats en défense seraient responsables au même degré que les financeurs des entreprises du secteur de l’énergie[4]. Ce point de vue est partagé par Danny Hoekzema du cabinet « The New Paradigm ». Ils estiment que l’argument selon lequel toute personne a droit à un avocat est un écran de fumée qui leur permet d’éviter de s’interroger sur l’éthique de leur métier, les cabinets d’avocats auraient un devoir moral de refuser certains clients. Ils vont même encore plus loin en affirmant que tout avocat qui défend un client engagé dans des activités qui ne s’inscrivent pas dans le processus de transition énergétique agit de manière illégale et viole le code du barreau auquel il est rattaché.

3. Les fondements juridiques

Les fondements invoqués par les plaideurs sont très divers et peuvent être combinés :

  • Atteinte aux droits humains y inclus à la santé physique et mentale.
  • Violation du devoir de vigilance.
  • Non-respect des objectifs de l’Accord de Paris sur le climat de 2015. Deux illustrations de l’invocation de l’Accord de Paris de 2015 contre une entreprise dont l’issue pourrait emporter des conséquences excédant les seuls cas en cause :
    • En 2019, sept ONG et les branches néerlandaises des Amis de la terre et de Greenpeace rejointes par 17 000 co-requérants ont assigné la société Shell afin d’obtenir que cette société aligne ses objectifs sur ceux fixés par l’accord de Paris pour 2030. Le 26 mai 2021, la District Court de La Haye a ordonné à la société Shell de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 45 % d’ici 2030. Shell a formé appel de cette décision, considérant que ce sont les Etats qui sont tenus par l’Accord de Paris et non les entreprises. La décision de la Cour d’appel d’Amsterdam attendue en principe à l’automne 2024 (les auditions ont eu lieu du 2 au 12 avril) pourrait être déterminante dans le développement ou non de ces contentieux, une confirmation de la décision de 1ère instance pourrait constituer, en effet, un important appel d’air pour les ONG pour engager des contentieux de ce type contre d’autres grands groupes internationaux.
    • Le 19 janvier 2024 Milieudefensie (Friends of the Earth Netherlands) a mis en demeure ING de se conformer à ses obligations en matière de climate duty of care envers la société civile, principalement de se mettre en conformité avec l’objectif de l’Accord de Paris, de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de moitié et de cesser de financer les sociétés qui n’ont pas un bon plan climatique et les entreprises pétrolières et gazières. La mise en demeure fait référence au dossier Shell. Ces demandes sont analogues à celles formulées à l’encontre de la BNP en France (assignation du 23 février 2023 sur le fondement du devoir de vigilance) : l'alignement de la politique climatique de la banque sur l’objectif 1.5°C de l’Accord de Paris et une cessation de tout soutien à l'expansion fossile. V. infra.
    • Un premier cas à venir de non-respect de l’Accord de Paris.devant une juridiction d’un pays de common law ? : le 7 février 2024 : la Cour suprême de Nouvelle Zélande, dans l’affaire Mike Smith v.Fonterra a réformé la décision d’une cour d’appel qui avait rejeté la demande de Mike Smith , leader Maori par laquelle il demandait qu’en application du droit civil néo-zélandais les principaux émetteurs locaux de gaz à effet de serre réduisent leurs émissions sans toutefois réclamer de compensation financière. La Cour suprême a autorisé le plaignant à poursuivre son action considérant que les arguments présentés par le demandeur justifiaient la tenue d’un procès pour nuisance publique.
  • Dispositions de droit pénal général ou spécial : homicide involontaire, non-assistance à personne en danger, blanchiment et recel de délits environnementaux, délit d’abstention de combattre un sinistre…
  • Violation de dispositions de droit spécial : droit de l’environnement avec une synergie qui se développe avec les contentieux climatiques, droit boursier : reporting extra-financier, droit de la consommation : informations trompeuses (écoblanchiment) concurrence déloyale contraire aux règles et aux usages.
  • Loi anti-corruption et anti-fraude : loi Racketeer Influenced and Corrupt Organizations dite loi Rico de 1970 aux Etats-Unis, fraudes et corruption sur les marchés carbones libres, etc. Par exemple, en 2023, 16 collectivités territoriales porto-ricaines durement touchées par l’ouragan Maria en 2017 ont intenté une action contre les majors pétroliers et gaziers accusés d’informations déceptives sur la base du Rocketeer Influenced and Corrupt Organizations Act de 1970 dite loi Rico déjà utilisée dans le passé pour sanctionner les entreprises multinationales du tabac. La décision est attendue courant 2024.

4. Les demandes :

Les demandes des actions climatiques visent classiquement à obtenir :

  • Une injonction de se mettre en conformité avec une obligation juridique positive.
  • La sanction de comportements illicites ou délictueux : informations trompeuses ou déceptives, pratiques d’écoblanchiment par exemple.
  • La réparation des dommages passés.

et plus rarement :

  • L’annulation de l’assemblée générale d’une société : un collectif d’actionnaires activistes estimant qu’en ne prenant pas en compte ses émissions de scope 3 dans ses états financiers, le groupe avait surévalué ses résultats financiers et avait de ce fait distribué des dividendes fictifs, et

Et de manière plus intrusive pour les sociétés visées :

  • La réduction des émissions des gaz à effet de serre en application de l’Accord de Paris de 2015.
  • L’arrêt de politiques ou de projets jugés nuisibles pour le climat, par exemple de nouveaux projets d’énergie fossile.
  • L’arrêt du financement ou de l’assurance de tels projets,
  • Un changement dans la gouvernance des sociétés.
  • La demande de réparation de dommages futurs.

Ces différentes demandes peuvent se cumuler selon les cas.

On commence à voir des demandes de réparation pour des montants très importants voire pharamineux :

  • En novembre 2015, un fermier péruvien a assigné l’énergéticien RWE devant une juridiction allemande afin de contraindre ce dernier à réparer les effets du changement climatiques dans les Andes (fonte d’un glacier), le demandeur estimant que RWE devrait contribuer à hauteur de 0,47 % aux frais d’adaptation relatifs à la fonte du glacier en cause. L’affaire est en cours.
  • En mai 2022, une coalition d’ONG dont Greenpeace Italie et de citoyens a assigné la société italienne ENI en indemnisation des dommages passés et futurs résultant du changement climatique auquel ENI aurait consciemment contribué de manière significative ces dernières années et en révision de sa stratégie climatique en conformité avec l’Accord de Paris de 2015. L’affaire est en cours.
  • En juillet 2022, une ONG suisse a assigné la société cimentière Holcim devant le tribunal cantonal suisse de Zoug pour avoir contribué à la montée des eaux dans l’archipel indonésien, demande fondée sur la violation de droits personnels et visant à obtenir la réparation des dommages climatiques, la réduction par Holcim de ses émissions carbone et une participation au financement des mesures de protection contre les inondations. L’affaire est en cours.
  • En juin 2023, des majors pétroliers et gaziers et le cabinet de conseil McKinsey (v. supra) ont été assignés par un comté de l’Oregon à la suite d’une vague extrême de chaleur (dôme de chaleur) en 2021 : Le comté réclame 50 milliards de dollars pour les dommages passés, 1,5 milliard pour les dommages futurs et 50 milliards qui seraient affectés à un fonds de réduction des impacts afin de mettre à niveau les infrastructures du comté. La procédure est au stade de l’appréciation de la compétence de la juridiction saisie.
  • En août 2023, la fondation Frisse Air en coopération avec Greenpeace, la branche néerlandaise de Friends of the Earth et Extinction Rebellion a lancé une action collective contre Tata devant une juridiction néerlandaise en réparation des dommages matériels et immatériels pour pollution de l’air au nord d’Amsterdam, dommages évalués par les demandeurs à plusieurs centaines de millions d’euros. L’affaire est en cours.
  • En septembre 2023, l’Etat de Californie a intenté une action contre TotalEnergies et d’autres majors pétroliers : Exxon Mobil, Shell, BP, Conoco Philips et Chevron pour désinformation sur la dangerosité des énergies fossiles, en réparation des dommages causés par leur inaction et des dommages à venir. Cette action est présentée comme étant la plus importante jamais engagée contre les majors pétroliers et porterait sur des milliards de dollars, l’objectif est de créer un fonds pour couvrir les futurs dommages causés par le réchauffement climatiques. La procédure est au stade de l’appréciation de la compétence de la juridiction saisie. D’autres Etats américains ont également introduit des procédures similaires.
  • En septembre 2023, à la demande de quatre villes situées près de Dordrecht où se situait une usine chimique, la District Court de Rotterdam a déclaré la société Chemours responsable des dommages causés par des émissions de PFAS (polyfluoroalkylées), molécules qualifiées de polluants éternels, Des enquêtes sont en cours pour la période allant de 1984 à 1996 et des actions de groupe sont prévisibles au nom des habitants de ces agglomérations situées près de Rotterdam (v. infra).
  • En février 2024, la ville de Chicago a intenté une action devant la Cook County Circuit Court contre six majors pétroliers et gaziers : BP, Chevron, ConocoPhilips, Exxon Mobil, Philipps 66 et Shell et de leur association l’American Petroleum Institute en réparation des dommages passés, actuels et futurs subis par la ville et ses habitants en invoquant :des informations trompeuses pour les consommateurs , des nuisances publiques, une omission d’avertir les populations concernées , un enrichissement sans cause. Sur cette base, la ville de Chicago réclame (i) des dommages et intérêts compensatoires, (ii) des dommages et intérêts pour perte de jouissance, (iii) la restitution des bénéfices réalisés, (iv) la cessation des agissements trompeurs, et (v) une condamnation au titre des infractions commises. A ce stade la ville de Chicago n’a pas chiffré le montant de sa demande mais demande de tenir ces sociétés pour responsables des coûts liés au changement climatique tant pour les propriétés privées que pour l’adaptation des infrastructures. La ville affirme avoir déjà dépensé 188 millions de dollars dans des projets concernant des communautés à bas revenus. Les défendeurs contestent la compétence des tribunaux pour décider de la politique climatique, alors que le maire de la ville estime qu’il s’agit d’une question de responsabilité et non de politique climatique.
  • En mars 2024, un agriculteur belge a assigné TotalEnergies devant le tribunal de Tournai en Belgique afin d’obtenir réparation des dommages causés à son exploitation : « pertes de rendements, surcroît de travail et stress causé par un calendrier cultural déboussolé ». Le demandeur estime que les activités de cette entreprise premier raffineur et distributeur en Belgique « contribuent au dérèglement climatique qui cause des dommages irréversibles sur les agriculteurs, et plus généralement sur les droits humains (droit à la vie, droit à l’alimentation, droit à la santé, droit à vivre dans un environnement sain). L’entreprise doit rendre des comptes ». Trois ONG (FIAN, Greenpeace et la Ligue des droits humains) se sont jointes à cette action.
  • En mars 2024, deux sociétés minières BHP, société anglo-australienne et Vale, son partenaire brésilien ont été assignées devant les tribunaux néerlandais par deux cabinets britannique et néerlandais de plaintiffs lawyers au nom de 77 000 personnes physiques, de 1000 sociétés et de 7 municipalités brésiliennes en réparation des dommages causés par l’effondrement en 2015 d’un barrage qui a provoqué le décès de 19 personnes et la pollution de centaines de kilomètres de voies navigables, pour un montant estimé à 3 milliards de livres sterling. Ces 77 000 personnes sont les victimes qui, selon le cabinet britannique, n’ont pu se joindre à l’action engagée devant les tribunaux anglais en 2018 qui devrait être examinée à partir d’octobre 2024. Ces deux sociétés ont déjà conclu un accord avec les autorités brésiliennes pour alimenter un fonds d’indemnisation des dommages subis de 7 milliards de dollars US et une juridiction brésilienne les a également condamnées à payer 9,5 milliards de dollars US en réparation des dommages causés, les sociétés envisagent de faire appel de cette décision.
  • A noter qu’aux Etats-Unis l’Etat du Vermont vient de promulguer une loi contraignant les majors pétroliers à abonder un fonds pour réparer les dégâts climatiques causés par leurs activités fortement émettrices de gaz à effet de serre. Le trésorier de l’Etat devra publier d’ici janvier 2026 un rapport sur le coût estimé pour les résidents du changement climatique sur la période 1995/2024 en prenant en compte ses effets sur la santé, les ressources naturelles, l’agriculture, le développement économique ou le logement. Ces coûts seront imputés aux majors pétroliers ayant émis plus d’un milliard de tonnes de CO2 sur la période et ayant un lien avec le Vermont. Les montants pourraient s’élever à plusieurs centaines de millions de dollars. Certains estiment que ces initiatives législatives sont complémentaires des contentieux. Selon le rapport précité de la London School of Economics des initiatives législatives similaires sont à l’étude dans d’autres Etats : New-York, Massachussetts, Maryland et Californie, p 47.

Sur le financement de ces contentieux v. infra.

5. Des contentieux climatiques à l’issue incertaine et quelquefois secondaire pour ceux qui les engagent

Ces contentieux soulèvent de nombreuses questions tenant à leur justiciabilité, à l’identification des responsables et vont vraisemblablement se heurter à la preuve du lien de causalité entre l’activité de ces entreprises et les phénomènes climatiques constatés, à la non-immédiateté du préjudice (demande de réparation de dommages futurs), à la répartition des responsabilités éventuelles entre les différentes sociétés mises en cause. Mais ces verrous risquent de sauter progressivement.

L’essentiel est pour certains, notamment dans les contentieux engagés contre des entreprises pétrolières et gazières ou des institutions financières, de sanctionner ce que les demandeurs considèrent comme étant l’inaction de ces entreprises en matière climatique en n’hésitant pas à porter atteinte à leur image dans le public par une communication agressive et parfois mensongère.

Les contentieux fondés sur la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des sociétés donneuses d’ordre

En France, les contentieux initiés sur le fondement de la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des sociétés donneuses d’ordres sont intéressants à cet égard.

Rappelons que cette loi est une loi d’identification, de prévention et d’extinction des risques qui impose à cet effet aux entreprises dépassant certains seuils en nombre de salariés :-5000 salariés en France ou 10 000 salariés monde -la mise en place d’un plan de vigilance qui doit comporter un certain nombre de mesures :une cartographie des risques, des procédures d’évaluation des filiales , sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, un mécanisme d’alerte et de recueils des signalements relatifs à l’existence ou à la réalisation de risques, des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves. Cette loi n’emporte qu’une obligation de moyens pour les entreprises qui y sont soumises, Elle ne comporte ni dispositions pénales ni sanctions de nature administrative assimilables à des sanctions pénales[5].et renvoie au droit commun de la responsabilité civile. Rappelons également que les demandeurs doivent au préalable mettre en demeure la société visée de respecter ces obligations de vigilance et que ce n’est qu’en cas de non-respect de ces obligations dans un délai de trois mois à compter de cette mise en demeure que la juridiction compétente peut enjoindre à cette société, à la demande de toute personne justifiant d’un intérêt à agir, de les respecter, éventuellement sous astreinte.

Les sujets de vigilance concernent les droits humains et les libertés fondamentales, la santé, la sécurité des personnes et l’environnement.

Le Tribunal judiciaire de Paris est exclusivement compétent pour connaître du contentieux du devoir de vigilance, même si d’autres tribunaux pourraient connaître d’actions dérivant du devoir de vigilance (résiliation d’un contrat, concurrence déloyale, référé ou requête 145 du code de procédure civile, etc.). Il peut être saisi sur le fond ou en référé – qui est le juge de l'évidence, mais ne peut délivrer une injonction qu'en l'absence de plan de vigilance, lorsque celui-ci est sommaire ou en cas d'illicéité manifeste. Le juge peut inviter des amici curiae pour l’éclairer. De même, le juge de la mise en état ne se prononce pas sur le fond de la demande.

La preuve revêt une importance particulière : (i) les entreprises doivent conserver la preuve des échanges lors de l’élaboration du plan et (ii) l’article 145 du Code de procédure civile peut être mobilisé par les parties pour se préconstituer la preuve du contrôle des sociétés mères sur leurs filiales ou d’éventuelles violations à leurs obligations.

Des médiations ont été proposées assez systématiquement, mais pas toujours acceptées. On peut toutefois citer la médiation entre des associations et Idemia (assignée en 2022) qui a abouti à la conclusion d’un accord transactionnel.

La loi ne permet au juge de faire respecter les obligations de vigilance qu’en enjoignant des mesures nécessaires et proportionnées à l'accomplissement des obligations de vigilance. Ainsi l’office du juge français ne lui permet pas d’apprécier l’opportunité des décisions sociales. Il ne lui appartient pas de se substituer à la société et aux parties prenantes pour exiger d'elles l'instauration de mesures précises. Autrement dit, le juge statue sur la précision du plan de vigilance, sans pour autant déterminer les mesures qui doivent être prises ou ce que doit contenir le plan ou fixer la stratégie de l'entreprise. Ainsi le juge ne peut-il se prononcer sur des demandes visant, par exemple, la suspension d’un projet, mais seulement sur des demandes en lien avec la conformité ou les insuffisances du plan adopté par la société.

Pour des raisons qui tiennent essentiellement à l’objet de la loi et à la procédure qui viennent d’être rappelés, la loi devoir de vigilance s’est d’abord révélée être un fondement décevant pour les ONG et les associations demanderesses en général et plus particulièrement pour celles d’entre elles qui l’ont invoquée dans le cadre de leur action en faveur de la lutte contre le changement climatique.

A ce stade une seule décision a été rendue au fond[6] et jusqu’aux décisions rendues par la cour d’appel de Paris du 18 juin (ci-après) dans les affaires TotalEnergies et EDF, ces contentieux se sont traduits par des décisions d’irrecevabilité[7].

Les décisions de recevabilité rendues par la cour d’appel de Paris le 18 juin dans les affaires concernant les sociétés TotalEnergies et EDF sont donc particulièrement intéressantes en ce qu’elles viennent préciser certains points essentiels à la mise en œuvre de la loi[8].

Sur la mise en demeure, la cour a retenu que « la mise en demeure exigée par la loi [...]devait identifier les manquements reprochés aux sociétés et comporter une interpellation suffisante afin que chaque société puisse le cas échéant se mettre en conformité dans le délai de trois mois, ce qui a été le cas en l’espèce » et a décidé que « si les assignations en justice devaient concerner en substance les mêmes obligations que celles ayant fait l’objet de la mise en demeure il n’était en revanche pas exigé que l’assignation et la mise en demeure visent le même plan de vigilance en termes de dates »

Par ailleurs, la cour d’appel de Paris a affirmé, contrairement au tribunal judiciaire de Paris, que la mise en demeure n’a pas pour objet d’instaurer une phase de dialogue qui n’est pas prévue par la loi même si elle peut faciliter ce dialogue en amont de la procédure.

Sur l’intérêt à agir, la cour a affirmé « le droit de saisir le juge à toute personne justifiant d’un intérêt à agir, après qu’une mise en demeure a été délivrée, peu important qu’elle ne soit pas l’auteur de la mise en demeure ». Selon certains auteurs, cette décision s’inscrirait dans la ligne de la décision du Conseil d’Etat dans l’affaire « commune de Grande Synthe » de 2021 mais elle n’est que l’application de la loi de 1987.

S’agissant spécifiquement des actions engagées par des collectivités territoriales, la cour a jugé que leur compétence était circonscrite aux territoires qu’elles administrent et jugé « que seule la démonstration d’un intérêt public local et non d’un intérêt public global leur conférait le droit d’agir » V. également en ce sens la décision de la CEDH du 9 avril 2024 précitée.

Sur le débiteur de l’obligation de vigilance, la cour d’appel a précisé qu’une filiale n’avait pas qualité à défendre l’action alors que le plan de vigilance avait été établi et mis en œuvre par sa société mère qui s’était ainsi reconnue débitrice naturelle de l’obligation visée à l’article L225-102-4 du code de commerce (décision dans l’affaire Vigie Groupe /Suez).

En conséquence, la cour d’appel dans les affaires TotalEnergies et EDF a déclaré certains demandeurs recevables à agir, de sorte que, sous réserve d’un éventuel pourvoi en cassation, le débat sur le bien-fondé des mesures sollicitées va pouvoir avoir lieu devant le tribunal judiciaire de Paris et dans l’affaire Vigie Groupe/Suez, confirmé l’irrecevabilité de l’action[9].

(Extraits du Communiqué de presse publié par la Première présidence de la cour d ‘appel de Paris le 18 juin 2024).

Par ailleurs, la cour d’appel , dans la décision EDF, a utilement rappelé le champ de compétence du tribunal judiciaire aux termes des articles L225-102-4 et L225-102-5 du code de commerce qui prévoient un dispositif d’injonction judiciaire pour les plans incomplets ou inadaptés et considéré, dans l’affaire EDF , que la demande de mesure conservatoire ne portait pas sur les obligations de la société EDF et des filiales qu’elle contrôle en matière de plan de vigilance mais sur le projet lui-même et n’était donc pas recevable.

Enfin, la cour d’appel , dans la décision TotalEnergies, a rappelé que l’action pouvait se fonder à la fois sur la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance et sur l’article 1252 du code civil relatif à la responsabilité pour préjudice écologique, ces deux actions peuvent être mobilisées de façon complémentaire à charge pour les parties de justifier devant le juge du fond du bien fondé de leurs prétentions en fonction des manquements ou fautes propres à chaque action tenant pour l’une à l’existence d’un dommage écologique à prévenir ou à faire cesser et pour l’autre à l’insuffisance du plan de vigilance.

L’impact potentiel sur les contentieux de la directive (UE)2024/1760 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité :

Au terme d’âpres discussions, la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité a été adoptée définitivement à la majorité qualifiée des Etats membres, le 24 mai dernier, (dix Etats membres se sont abstenus) et publiée le 5 juillet 2024 au JOUE pour une entrée en vigueur le 25 juillet 2024 et une transposition dans les Etats membres au plus tard le 26 juillet 2026.

Sous réserve d’une analyse approfondie de ce texte, il est d’ores et déjà possible de mentionner les principales dispositions de la proposition de directive destinées à assurer l’effectivité des dispositions relatives à la vigilance, en garantissant un droit d’accès à la justice aux victimes de dommages causés dans la chaîne d’activités tant sur le plan répressif que sur le plan civil.

Sur le plan répressif[10], les Etats membres devront désigner une autorité publique nationale en charge de la supervision de l’application de la directive, et dotée de pouvoirs d’enquête et de sanction. Les autorités nationales ainsi désignées seront constituées en un réseau européen.

Les Etats devront prévoir des sanctions dissuasives, proportionnées et effectives en cas de non-respect des dispositions de la directive, sanctions qui devront nécessairement comporter outre des mesures provisoires des sanctions pécuniaires (dont le plafond ne pourra être inférieur à 5 % du chiffre d’affaires net mondial).

La transposition de ce dispositif en droit français pourrait soulever un problème de constitutionnalité faute d’une définition claire et précise des obligations sanctionnées, ces sanctions ayant le caractère d’une punition et étant, selon le Conseil constitutionnel, soumises aux dispositions de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui s’appliquent à toute sanction ayant le caractère d’une punition[11]. Ceci méritera un examen approfondi des instruments internationaux relatifs aux droits humains et à l’environnement mentionnés dans les annexes I et II (v. sur ce sujet le considérant 25 de la directive qui indique, en outre, que les entreprises peuvent prendre en compte des standards complémentaires). Les premiers commentaires sur ce point considèrent toutefois que s’agissant d’une directive, le Conseil n’aura pas de marge de manœuvre.

Sur le plan civil[12], la directive, prévoit une responsabilité spéciale pour faute personnelle intentionnelle ou de négligence et exclut donc une responsabilité civile du fait d’autrui. Une société ne peut être tenue pour responsable lorsque le dommage a été causé du seul fait de l’activité de ses partenaires commerciaux dans la chaîne d’activités. Mais la responsabilité de la société n’exclut pas celle de ses filiales ou de ses partenaires commerciaux dans la chaîne d’activités, responsabilité qui peut être solidaire si le dommage a été causé par la société et sa filiale et /ou un partenaire commercial.

Le principe est celui de la réparation intégrale du préjudice mais pas au-delà, ce qui exclut les dommages et intérêts punitifs et autres dispositifs qui pourrait conduire à aller delà de ce principe.

Les Etats membres devront prévoir des conditions raisonnables permettant à un syndicat, à une ONG de mettre en œuvre les droits de la partie ayant subi un dommage.

Les dispositions de la directive s’appliquent sans préjudice des règles de droit national sur la responsabilité civile en cas d’atteintes aux droits de l’homme ou à l’environnement[13].

Les dispositions initiales sur la responsabilité des administrateurs et sur le renversement de la charge de la preuve n’ont pas été retenues.

A noter que si l’article 22 de la directive prévoit que les entreprises visées devront également adopter un plan de transition climatique compatible avec l’Accord de Paris de 2015 limitant le réchauffement climatique à 1,5 degré et avec l’objectif de neutralité climatique, il s’agit d’une obligation de moyens, et non d’une obligation de résultat non sanctionnée par une disposition de la directive. Par ailleurs, dès lors que le contenu du plan devra être en ligne avec les obligations de reporting imposées par la directive CSRD 2013/34/EU, les sociétés tenues d’établir un plan au titre de cette directive seront censées répondre à la nouvelle obligation et être conformes à la directive CS3D (considérant 73).

6. Des risques environnementaux majeurs à venir

La multiplication des plaintes pour utilisation de polluants dits éternels - PFAS - est présentée par certains comme un dossier équivalent à celui de l’amiante. Ces plaintes ont déjà donné lieu à des contentieux civils et pénaux aux Etats-Unis, le montant total des actions en responsabilité du fait des PFAS y avoisinerait les 30 milliards de dollars et en Europe (v. supra). Un grand groupe français fait l’objet d’une cinquantaine de contentieux sur cette base[14].

En France, la métropole de Lyon vient d’assigner, en référé, le 19 mars les sociétés Arkema et Daikin devant le tribunal judiciaire de Lyon afin de demander une expertise judiciaire visant à « objectiver scientifiquement la pollution de l’eau aux PFAS ». Et plusieurs communes et des fédérations de pêcheurs de la région ont également déposé plainte pour mise en danger de la vie d’autrui et écocide.

Par ailleurs, une organisation philanthropique australienne estime que les risques en responsabilité civile pour pollution plastique pourraient atteindre 20 milliards de dollars d’ici 2030.

7. Un contentieux amené à croître : le contentieux RSE/CSR/ESG

La législation :

Les textes communautaires :

Les cas d’invocation de mauvaise information et d’information trompeuse voire mensongère sont sans conteste en augmentation et devraient croître encore,[15]. L’entrée en vigueur le 1er janvier 2024 pour certaines sociétés de la directive CSRD et de l’intégralité des textes d’application et des textes sur la taxinomie complexes et pas toujours faciles à comprendre va sans doute contribuer à ce mouvement de même que l’adoption de la CSDDD. L’on ne peut exclure, en outre, que des activistes invoquent de tels manquements lors des campagnes qu’ils pourront engager contre les directions et les conseils de sociétés cotées.

A noter également :

  • La directive (UE) 2024/825 du 28 février 2024 visant à donner aux consommateurs le moyen d’agir en faveur de la transition verte grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et grâce à une meilleure information vient d’être publiée le 6 mars au JOUE. Ce texte modifie les directives 2005/29/CE sur les pratiques commerciales trompeuses et 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs. Les mentions environnementales et autres arguments commerciaux trompeurs seront interdits. Les allégations vertes uniquement fondées sur la compensation carbone resteront interdites. Seules les mentions de durabilité fondées sur une certification établie et approuvée par les autorités publiques et évaluées par un tiers expert seront autorisées. Toutefois les allégations les plus simples et les plus courantes pourront faire l’objet d’une vérification plus facile ou plus rapide.
    Cette directive devrait être complétée par une directive sur les allégations écologiques qui définira le type d’informations que les entreprises devront fournir pour justifier leurs allégations de marketing environnemental, la procédure de vérification de ces allégations par des vérificateurs agréés ainsi que les sanctions en cas de non-respect de cette procédure : exclusion des marchés publics, confiscation des revenus, amende d’un montant de 4% du CA annuel. Les Etats membres se sont mis d’accord sur un texte le 17 juin 2024, les pourparlers vont pouvoir s’engager avec le Parlement européen sous la présidence hongroise.
  • L’ESMA – European Securities and Markets Authority – vient d’adopter le 14 mai 2024 des lignes directrices visant à lutter contre l’écoblanchiment par des fonds d’investissement qui utiliseraient de manière indue des termes liés aux critères ESG et au développement durable afin de protéger les investisseurs contre des allégations non fondées. Pour prétendre à ces qualifications, les fonds devront avoir au moins 80% d’encours qui répondent à des critères environnementaux, sociaux ou de gouvernance. Ils devront exclure les sociétés qui ne seraient pas conformes à l’Accord de Paris. Les fonds disposent de neuf mois pour se mettre en conformité avec ces lignes directrices.

Les textes français :

  • En France, afin de lutter contre ces mauvaises pratiques, le législateur est intervenu par la loi n° 2020/105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi « Agec » et par la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets qui a renvoyé en matière d’informations trompeuses sur l’impact environnemental ou sur les engagements d’un annonceur en matière environnementale, aux dispositions du code de la consommation sur les pratiques commerciales trompeuses (art. L. 121-2 C. Conso) et à ses dispositions pénales (art L. 132-2 C. Conso). Ces infractions sont ainsi sanctionnées par une peine d’emprisonnement de deux ans et une amende de 300 000 euros. Le montant de l’amende peut être porté à 80 % du chiffre d’affaires moyen annuel dans le cas d’informations trompeuses sur l’impact environnemental ou sur les engagements d’un annonceur en matière environnementale contre 10 % dans les autres cas.

Les enquêtes, les poursuites et les sanctions :

En France

Le Parquet national financier, l’Autorité des marchés financiers et la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes ont récemment lancé des enquêtes sur cette base dans de grandes sociétés.

Dans son dernier rapport annuel publié en mai dernier, la DGCCRF montre que la lutte contre l’écoblanchiment est devenue pour cette administration un objectif majeur : (i) multiplication des contrôles du respect des décrets d’application de la loi « Agec » précitée notamment et (ii) volonté déclarée de renforcer les contrôles en ce domaine.

Par ailleurs, si une fausse information ou une information trompeuse a un impact sur le cours de bourse d’une société cotée, la responsabilité de l’émetteur pourra être engagée sur le fondement des textes sur les abus de marché. A noter le 19 juin 2024, plus de vingt chercheurs, économistes et ONG dont Reclaim Finance et UFC Que Choisir ont interpellé l’AMF afin de lui demander de sanctionner l’écoblanchiment auquel seraient confrontés les épargnants français. Selon eux, plus de deux tiers des fonds français avec des prétentions de durabilité investiraient dans des entreprises développant de nouveaux projets dans le charbon, le pétrole et le gaz.

Rappelons deux actions en cours pour écoblanchiment :

  • Celle introduite en 2021 contre Nespresso par la CLCV : le 20 mars 2024, la Cour d’appel de Paris a infirmé la décision de première instance en admettant la recevabilité de cette action jugée prescrite par le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Paris, considérant que le Code de la consommation ne prévoyant pas de régime de prescription spécifique pour les actions fondées sur le délit de pratiques commerciales trompeuses, c’est le droit commun de la prescription qui s’appliquait[16],.
  • Celle introduite en 2022 contre TotalEnergies par Notre Affaire à Tous, Greenpeace France et Les Amis de la Terre pour pratiques commerciales trompeuses, ces ONG estimant que la campagne publicitaire lancée par Total à la suite de son changement de nom en TotalEnergies constituait de l’écoblanchiment relevant de l’interdiction des pratiques commerciale trompeuses. L’action a été jugée recevable par le Tribunal judiciaire de Paris.

En droit comparé :

  • En Allemagne, on dénombre une dizaine de décisions de cours régionales en droit financier (v. également la poursuite en cours par le Parquet de Francfort, la Bafin et la SEC de DWS, filiale de Deutsche Bank, pour fraude à l’investissement par écoblanchiment) et en droit de la consommation dont une de la Cour régionale de Düsseldorf retenant la responsabilité d’une filiale marketing du groupe Total Energies pour écoblanchiment en avril 2023.
  • Au Royaume-Uni, la British Advertising Standards Authority (ASA) a interdit les publicités jugées trompeuses sur le climat et l’environnement des sociétés Shell, Repsol, Malaysian Petronas, HSBC, Lufthansa et Tesco.
  • En Espagne : en février 2024, Iberdrola, première entreprise espagnole productrice d’électricité a intenté une action en justice contre Repsol, première entreprise espagnole productrice de pétrole devant le Tribunal de commerce de Santander pour concurrence déloyale et publicité mensongère estimant que Repsol s’est livrée à de l’écoblanchiment sur son engagement environnemental dans ses campagnes publicitaires .Iberdrola demande au tribunal d’enjoindre Repsol de cesser ses actes de concurrence déloyale et de rendre publique la décision de condamnation. Il est intéressant de noter qu’il s’agit d’un contentieux entre deux entreprises.
  • Aux Pays-Bas, dans une décision Fossil Free contre KLM/Royal Airline rendue le 20 mars 2024, la District Court d’Amsterdam a estimé que les allégations environnementales de KLM dans sa publicité « Fly Responsibly » étaient trompeuses et violaient les dispositions légales issues de la directive 2005/29/CE qui vient d’être modifiée par la directive 2024/825(UE)du 28 février 2024 (v. supra). Il s’agit de la première action collective pour écoblanchiment contre une compagnie aérienne lancée en juillet 2022 (v. infra la plainte déposée auprès de la Commission européenne par le BEUC et 23 associations de consommateurs contre 17 compagnies aériennes sur les mêmes motifs dans le cadre du mécanisme d’alerte externe de la Commission européenne).
  • Aux Pays-Bas toujours, trois ONG (Advocates for the Future, Fossielvrij MC et Reclamejagers) ont déposé plainte auprès de l’Advertising Code Committee (ACC) contre MCS Croisières alléguant que leur campagne de marketing présentait de manière trompeuse le gaz naturel liquéfié comme une alternative de carburant maritime durable.
  • Le 8 mai 2024, le Dutch Advertising Code Board of Appeal a condamné la compagnie TUI pour écoblanchiment à la suite d’une plainte de l’ONG Reclamejagers pour sa campagne Black Friday 2023 qui promouvait des voyages écologiques, pour avoir minimisé l’impact environnemental des vols en se concentrant sur des hôtels prétendument durables et avoir ainsi induit en erreur les consommateurs sur l’empreinte minimale carbone de leurs vacances.
  • L’Autorité néerlandaise pour les consommateurs et les marchés (ACM) a enjoint le fournisseur d’énergie Eneco de cesser d’utiliser les affirmations « une neutralité climatique plus rapide » et « Climatiquement neutre d’ici 2035 ».
  • En février 2024, Fossil Free Football, Fossil Free Advertising et Reclamejagers ont déposé plainte contre la société d’Etat Saoudienne Aramco pour déclarations trompeuses sur l’utilisation de carburant durable dans les courses automobiles de Formule 1 ainsi que contre le Financial Times qui a publié des campagnes de publicité dans lesquelles la compagnie Aramco se présentait comme « un champion des carburants durables ». Une plainte a également été déposée contre la même société sur le même fondement par British New Weather devant les juridictions anglaises.
  • Aux Etats-Unis, la SEC a mis en place une enforcement task force dédiée aux questions climatiques et ESG. Début 2023, deux plaintes ont été déposées devant la SEC, l’une par Migthy Earth contre le géant brésilien de la viande pour émissions d’obligations vertes trompeuses et frauduleuses pour un montant de 3,3 milliards de dollars et l’autre par New Global Witness contre Shell pour informations trompeuses sur ses investissements dans les énergies renouvelables : 12% annoncés contre 1,5 % réalisés. Précédemment, la SEC a prononcé à l’encontre de Goldman Sachs Assets Management une sanction de 4 millions de dollars pour défaillance en matière recherche ESG : absence de procédure décrivant le mode de sélection des titres et d’envoi de questionnaires ESG aux entreprises.

En janvier 2024, un juge américain a admis la recevabilité d’une class action intentée par des consommateurs contre Danone pour ses allégations trompeuses sur la neutralité carbone des bouteilles d’eau d’Evian[17] .

En Australie, l’Australian Competition and Consumer Commission (ACCC) a consulté fin 2023 sur un projet de guide de bonnes pratiques à destination des entreprises afin de prévenir l’écoblanchiment.

Dans l’affaire Australian Securities and Investment Commission -ASIC-v. LGSS Pty Ltd, la Cour suprême australienne a considéré , le 5 juin 2024, que LGSS Pty Ltd , en tant que trustee du fonds de pension Active Super , violait la loi en publiant des informations trompeuses en matière d’ESG , refusant d’admettre la distinction opérée par Active Super entre les actions détenues en direct dans une société et celles détenues indirectement par des fonds. La cour déterminera lors d’une prochaine audience le montant de la sanction pécuniaire encourue.

Les contentieux pour information durable trompeuse ou pour écoblanchiment sont considérés par les activistes comme faciles « à monter ». Ils portent sur la contestation des engagements climatiques avec ou sans plans adéquats, sur la qualité déceptive des produits, sur le gonflement des investissements en matière climatique, sur le fait de dissimuler ces risques.

Le mouvement anti-ESG aux Etats-Unis :

Dans un mouvement contraire, on note aux Etats-Unis :

  • des contentieux engagés contre des sociétés qui ont un engagement important en matière d’ESG, jugé par certains contraire aux intérêts des actionnaires ou des retraités pensionnés,
  • le boycott de ces entreprises (BNP Paribas au Texas par exemple),
  • et le dépôt et l’adoption de projets de lois anti-ESG.

Quelques illustrations de ce phénomène

  • En 2023, les Procureurs d’un certain nombre d’Etats républicains ont écrit en ce sens à Larry Finck, BlackRock et certains Etats ont retiré les fonds confiés à des gestionnaires d’actifs pour non-respect de leur devoir fiduciaire. Des contentieux sont en cours sur cette base.
  • En décembre 2023, l’Etat (républicain) du Tennessee a assigné en justice le fonds d’investissement BlackRock pour violation des lois de protection des consommateurs du fait d’une utilisation à mauvais escient des critères ESG dans sa stratégie d’investissement. L’Etat du Tennessee reproche notamment à BlackRock son adhésion aux coalitions climatiques telles que NZAM (Net Zero Asset Managers Initiative) et Climate Action 100+. Il faut noter que Larry Fink, son Directeur général a déclaré récemment avoir renoncé à l’appellation ESG devenue, selon lui, trop politique. (Les Echos du 20 décembre 2023), ce qui n’a pas empêché le fonds activiste Bluebell Capital Partners de lui demander en justice de séparer ses fonctions de président et de CEO afin de prévenir les conflits d’intérêts.
  • D’autres recours se fondent sur la loi Antitrust, sont notamment visées les alliances pour la neutralité carbone.
  • Les décisions suivantes ne sont sans doute pas étrangères à ce mouvement : JPMorgan Assets Management a décidé au début de l’année 2024 de sortir de la coalition Climate Action 100+ estimant être en mesure de gérer directement ses investissements durables. De même dans le secteur de l’assurance, l’Alliance des assureurs pour la neutralité carbone Net-Zero Insurance Allianz (NZIA) ne comptait plus en mai 2023 que onze membres contre une trentaine lors de sa création. Quatre grandes banques (Wells Fargo, JP Morgan, City Group et Bank of America) ont décidé de renoncer à se référer aux Principes de l’Equateur, référentiel qui permet notamment de déterminer les risques environnementaux et sociaux des projets financiers.
  • On dénombre une quinzaine de projets de lois anti-ESG et une dizaine de lois adoptées visant notamment à interdire aux investisseurs, aux assureurs de se référer à des critères ESG. Au Tennessee, des élus républicains ont déposé en juillet 2023 une proposition visant à permettre de rejeter les résolutions d’actionnaires interférant avec des affaires courantes. L’Etat de Caroline du Sud a récemment adopté une législation anti-ESG (ESG Pension Protection Act, HB 3690). Elle prévoit que le Retirement System Investment Commission (fonds de retraite de l'État) de l’Etat tienne compte uniquement des facteurs financiers dans sa stratégie d'investissement et la gestion de ses actifs. La prise en compte de facteurs favorisant des éléments extra-financiers (ou ESG) est interdite. Au contraire, au New-Hampshire en janvier 2024, un projet de loi qui prévoyait d’introduire une peine de prison de 20 ans pour fellony contre des gestionnaires d’actifs qui investiraient en violation de leurs devoirs fiduciaires n’a pas été adopté.
  • À noter également en avril dernier, la contestation des règles climatiques de la SEC jugées trop pro ESG.

A noter qu’à l’inverse en Angleterre dans l’affaire Butler-Sloss v. the Charity Commission, la High Court of England and Wales, saisie par deux trusts caritatifs qui souhaitaient savoir s’ils pouvaient exclure de leur politique d’investissement les investissements contraires à l’Accord de Paris sans violer leurs fiduciary duties, a répondu, en juillet 2022, qu’ils avaient toute latitude pour le faire.

8. La saisine d’entités européennes ou internationales : le mécanisme d’alerte externe de la Commission européenne et les points de contact de l’OCDE

Le mécanisme d’alerte externe de la Commission européenne. En juin 2023, sur la base d’une étude du BEUC, l’UFC/Que choisir ? la CLCV et vingt et une autres associations de consommateurs de dix-neuf Etats membres ont porté plainte auprès de la Commission européenne, via le mécanisme d’alerte externe, contre dix-sept compagnies aériennes dont Air France pour écoblanchiment et pratiques commerciales trompeuses tant par les compagnies que par le secteur dans son ensemble. Ils ont également saisi le Réseau européen de coopération pour la protection des consommateurs -CPC. Le mécanisme d’alerte de la Commission suppose que soit lancée une enquête européenne sur les pratiques de ces compagnies et du secteur dans son ensemble et que soit interdite toute allégation visant à faire croire que prendre l’avion est une pratique respectueuse de l’environnement et que les consommateurs se voient rembourser les frais indument perçus par les compagnies aériennes.

Le 30 avril 2024, la Commission européenne a adressé un courrier à vingt compagnies aériennes soit trois de plus que celles visées par la plainte initiale, recensant les allégations écologiques potentiellement trompeuses, les invitant à mettre leurs pratiques en conformité avec la législation de l’Union européenne en matière de protection des consommateurs (articles 5, 6 et 7 de la directive relative aux pratiques commerciales déloyales) Communiqué du BEUC du 30 avril.

Les compagnies disposaient de 30 jours pour présenter à la Commission les mesures concrètes qu’elles envisagent de prendre à cet effet.

A l’issue de la réception des réponses, la Commission organisera des réunions avec le réseau CPC et les compagnies aériennes afin de débattre des solutions proposées et de surveiller la mise en œuvre des modifications convenues.

Lorsque les mesures nécessaires n’auront pas été prises, les autorités du réseau CPC pourront décider de prendre de nouvelles mesures d’exécution, y compris des sanctions.

Ce dispositif va permettre de futures actions sur le fondement des directives précitées.

Les points de contact de l’OCDE. Les Points de contact nationaux pour la conduite responsable des entreprises-PCN-assurent la promotion des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales. Un PCN peut être saisi en cas d’allégation de non-respect de ces Principes directeurs. Il s’agit d’une instance non juridictionnelle de règlement des différends qui offre aux parties une plateforme de dialogue en vue de contribuer à résoudre leurs différends sur l’effectivité des principes directeurs. A ce stade, la saisine d’un PCN représente un risque plus réputationnel que juridique car les PNC ne peuvent émettre que des avis. Toutefois, on ne peut exclure une évolution du dispositif, les principes directeurs intégrant peu à peu du droit dur.

Par exemple, le 11 mars 2024, Greenpeace Luxembourg a saisi le PCN luxembourgeois de la politique d’investissement du Fonds de compensation de la Sécurité sociale, SICAV FIS (FDG SICA) qualifiée de fonds souverain, estimant que cette politique ne respectait pas les principes directeurs précités. L’ONG demande au fonds de mettre en place une politique d’investissement conforme à ces principes, de faire preuve de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme et d’environnement afin de remédier à tout impact négatif lié à ses investissements et d’instituer un mécanisme de réclamation permettant aux parties prenantes de signaler les problèmes liés à la durabilité.

9. Un risque de contentieux accru du fait de l’intervention de fonds de financement des contentieux ?

Le fait que les fonds de financement de contentieux considèrent que le marché européen représente un marché d’avenir avec un gros potentiel est un signe non négligeable de ce risque accru de contentieux. Cette « industrie du financement des contentieux par des tiers » (Third Party Litigation Funding) se développe rapidement : on compte 70 fonds au Royaume-Uni contre 16 en 2016 et 47 aux Pays-Bas contre 28 en septembre 2022.

Si cette évolution se confirmait, cela se traduirait probablement par une augmentation des actions collectives.

Sur son blog « ESG ligation against directors », Quinn Emmanuel, Quinn Emmanuel Urquhart Sullivan, constatant l’échec de la derivative action contre les administrateurs de Shell recherche des voies alternatives pour faire prospérer ces contentieux ESG, ne sous-estimant pas toutefois la difficulté de prouver le lien de causalité et indique vouloir s’appuyer sur la section 90A du Financial Services and Markets Act 2000 (FSMA) sur les informations trompeuses.

A noter l’organisation :

  • le 27 septembre 2023, de la conférence « Through the Looking Glass. The rise of ESG risks » par le Nivallion Legal Finance Sumit qui se présente comme le leader des forums internationaux réunissant juristes et financiers La voie pénale a également été évoquée lors de cette manifestation.
  • le 9 novembre 2023 à Londres d’un Greenwashing Event par Legal ESG avec la participation d’un important cabinet de plaintiffs lawyers .

A titre illustration, le hedge fund Gramercy, leader du contentieux environnemental, a annoncé début octobre 2023 qu’il voulait financer des actions collectives à fort potentiel contre des sociétés minières (BHP et Vale, v. supra.12) et contre des constructeurs automobiles : « We feel like we are coming into a sweet spot of litigation funding ». Il vient de financer le cabinet de plaintiffs lawyers Pogust Goodhead à hauteur de 552,5 millions de dollars et est lui-même financé en partie par des fonds souverains. Et le CEO d’Aristata Capital a déclaré à Bloomberg Law que les « investors view ESG litigation as an incredible opportunity to generate impact and some significant returns ». On parle de retours sur investissement pouvant aller jusqu’à 25 %.

A noter toutefois que la Cour de district de La Haye vient de rejeter en octobre 2023, une class action en matière financière intentée contre Airbus, à la suite de la CJIP conclue par Airbus pour des faits de corruption, estimant que si les actionnaires avaient connu l’existence de ces faits, ils n’auraient pas acquis des actions au prix auquel ils les avaient acquises. La Cour a jugé que les fondations ad hoc constituées pour engager cette action n’étaient pas suffisamment indépendantes des fonds de financement.

Comment sont financés ces fonds ?

Les principaux fonds : Buford, Therium, Fortress sont financés par des fonds souverains mais en dehors de Fortress qui est financé par le fonds souverain d’Abu Dhabi, les autres restent discrets sur leur identité.

10. Un développement potentiel des contentieux pénaux

En France, outre les sanctions rappelées ci-dessus pour pratiques commerciales trompeuses, le législateur a récemment renforcé le volet pénal du droit de l’environnement par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : durcissement de l’échelle des peines existantes, assouplissement des conditions de la récidive, création de nouveaux délits (de mise en danger de l’environnement, de pollution des milieux naturels et d’écocide).

Récemment, Greenpeace a obtenu la condamnation le 9 septembre 2023 par le tribunal correctionnel de Châteauroux d’une entreprise à 20 000 euros d’amende pour délit de mise sur le marché illégale de bois importé et le 11 septembre 2023 par le tribunal correctionnel de Rennes d’une autre entreprise pour commission du même délit à une amende de 100 000 euros.

Ce renforcement de la pénalisation du droit se traduit également au niveau européen avec l’adoption de la directive (UE)2024/1203 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal et remplaçant les directives 2008/99/CE et 2009/123/CE qui se sont révélées peu efficaces selon les ONG.

Le texte prévoit notamment :

  • la création de nouveaux délits incluant la pollution par des navires, l’importation et l’utilisation de mercure, le commerce illégal du bois et l’épuisement des ressources en eau,
  • des peines de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et même 8 ans pour les infractions qualifiées et 10 ans en cas de décès d’une personne pour les personnes physiques ,
  • des amendes équivalant à 3/% ou 5 % du chiffre d’affaires mondial ou à un montant forfaitaire de 24 à 40 millions d’euros selon le type d’infraction pour les personnes morales ,
  • des obligations de remise en état,
  • des retraits d’autorisation d’exploitation,
  • l’exclusion de tout financement public,
  • une protection renforcée des lanceurs d’alerte ,
  • une invitation à organiser des formations spécialisées pour les forces de l’ordre, les juges et les procureurs en matière de délits environnementaux.

L’obligation imposée par la directive de prévoir des sanctions pénales ne devrait pas dispenser les Etats membres de prévoir des sanctions administratives et d’autres mesures dans le droit national en ce qui concerne les violations du droit environnemental de l’Union.

La responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas les poursuites pénales contre les personnes physiques qui sont les auteurs, les instigateurs ou les complices des infractions considérées.

Il est intéressant également de noter, pour mémoire, sous la précédente législature, l’enregistrement à la présidence de l’Assemblée nationale le 8 janvier 2024 d’une Proposition de résolution européenne visant à étendre les compétences du Parquet européen aux infractions à l’environnement n° 2048, présentée par Naïma Moutchou, députée Renaissance, résolution devenue caduque mais qui pourrait éventuellement être redéposée.

Dans ce contexte de pénalisation du droit, il convient de rappeler l’extension du champ d’application de la convention judiciaire d’intérêt public – CJIP – aux délits environnementaux et aux délits annexes[18]. Vingt-six ont été conclues et validées à ce jour selon le site du ministère de la justice., concernant majoritairement des cas de rejets dans les eaux (police de l’eau). Le montant des amendes est relativement faible à ce stade, très loin de celui prononcé dans certaines CJIP.dites économiques. Mais les dernières CJIP conclues témoignent d’une évolution à la hausse des amendes et d’une sophistication des mesures de mise en conformité[19]. Malgré ses avantages au premier rang desquels l’absence de reconnaissance de culpabilité, la CJIP s’avère toutefois difficile à mettre en œuvre dans les grandes affaires de pollution qui constituent souvent des infractions mixtes : avec par exemple le délit de mise en danger.

Certaines actions sont également fondées sur les dispositions du droit pénal général :

  • Le 22 septembre 2023, une plainte a été déposée visant TotalEnergies principalement pour abstention de combattre un sinistre (en l’espèce le changement climatique) et homicide involontaire. Une telle action pénale souligne le risque réputationnel pour les dirigeants. Selon l’avocat des demandeurs, « la seule chose qui les [les grands patrons] embarrasse, c’est le risque d’une mise en examen, d’un procès public, d’une sanction pénale et, in fine, d’une atteinte à leur image ». Le choix de la voie pénale, « peu importe les textes invoqués », participe de cette volonté de déstabilisation.
  • En mai 2024 une enquête préliminaire a été ouverte contre TotalEnergies pour homicide involontaire et non-assistance à personne en danger à la suite des attentats terroristes contre les installations de la société au Mozambique (v. aussi la plainte visant TotalEnergies, ses dirigeants et ses actionnaires).
  • Le 8 novembre 2023, Sherpa, soutenue par Harvest, le Center for Climate Crime Analysis, Reporter Brasil et Transparency International a déposé une plainte simple auprès du Parquet national financier contre BNP Paribas, Crédit Agricole, BPCE et AXA. Sherpa demande l’ouverture d’une enquête sur le fondement des délits de blanchiment et recel en raison du soutien financier des banques aux principales entreprises brésiliennes de viande bovine qui contribuent à la déforestation illégale en Amazonie. (Source : le site de SHERPA).

11. Des juges qui commencent à prendre en compte les spécificités de ces contentieux, n’hésitent pas à innover et à s’organiser en conséquence, l’exemple français

Dans l’ordre administratif, quelques décisions marquantes méritent d’être citées : la décision rendue par le Conseil d’Etat le 19 novembre 2020 dans l’affaire dite « commune de Grande Synthe » ainsi que celles rendues par l’Assemblée du contentieux le 10 juillet 2020 sur la requête des Amis de la Terre et par le tribunal administratif de Paris en février 2021 dans l’Affaire du Siècle[20]. Selon les termes, de Bruno Lasserre vice-président du Conseil d’Etat en 2021 la décision « commune de Grande Synthe » signale l’ouverture du prétoire du Conseil d’Etat au contentieux climatique. La deuxième avancée concerne la portée juridique conférée d’une part à l’Accord écologique de Paris auquel les juridictions administratives ont reconnu une force interprétative et d’autre part aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre inscrits dans le droit de l’Union et la loi nationale parce que le juge administratif franchit un pas décisif en jugeant que ces objectifs ne sont pas simplement programmatiques mais bien contraignants. Enfin le Conseil d’Etat s’est adapté au temps de la lutte contre le changement climatique en inaugurant un nouveau type de contrôle, « le contrôle de trajectoire » qui s’apparente à un contrôle de la conformité par anticipation en amenant le juge à s’assurer, à la date à laquelle il statue, non pas que les objectifs ont été atteints mais qu’ils pourront l’être, qu’ils sont en voie d’être atteints, qu’ils s’inscrivent dans une trajectoire crédible et vérifiable[21].

Cela se traduit également particulièrement dans l’ordre judicaire par :

  • L’engagement de certains hauts magistrats : lors de la conférence précitée, Chantal Arens, première Présidente de la Cour de cassation, qualifiait le droit de l’environnement de droit audacieux, innovant car investi par les citoyens et qui conduit le juge à rendre des décisions historiques, sur le préjudice écologique notamment (affaire Erika), à repenser l’office du juge et évoquait la possibilité d’une responsabilité civile du fait d’autrui.
  • La création en juin 2021 de l’Association française des magistrats pour la justice environnementale - AFMJE - qui vise une plus grande effectivité du droit de l’environnement dont la complexité rend l’application mal aisée. Selon ses fondateurs, « La mise en route de la justice environnementale ne doit pas être cantonnée à la répression pénale mais doit aussi envisager les régimes de responsabilité institués en matière civile, les contentieux liés à la responsabilité sociale et environnementale ou les litiges en droit immobilier, en droit commercial, notamment celui des sols pollués ou en droit social » le développement de mesures alternatives à la sanction pénale[22] .
  • L’annonce par la Cour d’appel de Paris, lors de son audience solennelle de rentrée le 15 janvier 2024, de la mise en place, au sein de son pôle économique, d’une chambre dédiée aux contentieux émergents en charge des litiges sur le devoir de vigilance et la responsabilité écologique. Elle sera compétente pour statuer en appel sur les décisions rendues par le tribunal judiciaire dans les litiges relatifs au devoir de vigilance ainsi que sur les litiges portant sur la publication en matière de durabilité par les entreprises.

V. également en ce sens le dernier rapport de la LSE, précité : Impacts beyond the courtroom Courts as influencial actors in climate policy and governance : p 45 et s

12. Des entreprises qui commencent à réagir en utilisant la voie du contentieux contre des ONG, des associations ou des fonds

A ce jour, cinq cas peuvent être identifiés :

  • En septembre 2023, ENI en réaction à l’action intentée contre elle par des ONG (V. supra) intente une action en diffamation contre les membres de la coalition qui qualifient cette procédure de procédure bâillon, c’est-à-dire de procédure visant à entraver le cours de la justice en empêchant l’une des parties de faire prévaloir ses droits[23].
  • En octobre 2023, TotalEnergies a assigné Greenpeace et d’autres associations de défense de l’environnement au civil devant le Tribunal judiciaire de Paris pour informations fausses et trompeuses, procédure visant à demander à Greenpeace de retirer son rapport sur le bilan carbone de TotalEnergies de son site et de cesser d’en parler.

Greenpeace a qualifié cette procédure de procédure bâillon et a demandé la nullité de l’assignation et la condamnation de TotalEnergies pour procédure abusive devant ce même tribunal.

Le 28 mars 2024, le juge de la mise en état a prononcé la nullité pour vice de forme de l’assignation délivrée par TotalEnergies contre Greenpeace, jugeant que le défaut de précision des informations visées et des supports de diffusion de celles-ci causait nécessairement grief aux parties assignées qui ne pouvaient se défendre utilement sur le fond. En revanche, le tribunal n’a pas condamné TotalEnergies pour procédure abusive.

  • En novembre 2023, Shell a assigné Greenpeace devant les tribunaux anglais en responsabilité civile pour avoir occupé une plate-forme mobile pendant 13 jours et sur 4000 kms et réclame à l’ONG 8,6 millions de dollars en réparation du préjudice causé. Greenpeace a refusé l’offre de Shell de réduire le montant de sa demande à 1, 4 million de dollars (la production de pétrole ayant dû être arrêtée) à la condition que l’ONG renonce à manifester sur les plateformes et sur les installations portuaires. L’ONG a répondu qu’elle ne cessera de manifester que lorsque Shell arrêtera de détruire le climat.
  • En janvier 2024, Exxon Mobil a saisi un tribunal américain en vue de bloquer le dépôt d’une résolution sur le climat par Follow This, un collectif d’actionnaires et Arjuna Capital un fonds d’investissement ESG lors de son assemblée générale le 29 mai . Les deux investisseurs ont retiré leur projet mais la société ne s’est pas désistée de son action. En conséquence, le tribunal texan a rejeté le 18 juin 2024 la plainte d’Exxon Mobil estimant qu’elle était devenue sans objet.;
  • En février 2024, une coalition de dix entreprises du secteur des combustibles fossiles (notamment BP, Chevron, Shell, Exxon Mobil, ConocoPhillips, Sunoco et Aloha Petroleum)a demandé à la Cour suprême des Etats-Unis d’annuler une décision de la Cour suprême d’Hawaï d’octobre 2023 déclarant recevable une action en justice prétendant que ces entreprises ont trompé le public sur le changement climatique et ses dangers , action intentée par la ville d’Honolulu en 2020, estimant que ce contentieux relevait de la compétence fédérale.
  • V. également sur ce sujet le rapport de la LSE précité p 42.
     

[1] Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment

[2] A noter en France, le rejet par l’Assemblée nationale le 4 avril 2024 sous la précédente législature, d’une proposition de loi visant à protéger les Français contre les risques climatiques et financiers associés aux investissements dans les énergies fossiles, n°2230, rapporteur Cyrielle Chatelain, Ecologistes, NUPES. Ce texte visait à interdire aux acteurs financiers privés (banques, fonds d’investissement) d’investir dans de nouveaux projets fossiles, sous peine de sanctions financières et à inscrire dans les exigences prudentielles prévues pour les banques les risques liés aux actifs et services financiers investis dans les énergies fossiles.

[3] En ce sens, v. Alain Couret « L’irrésistible glissement du droit des sociétés vers un droit sociétal », in Bulletin Joly Sociétés, Mai 2022 p.1 et s.

[4] Le CIFF finance notamment ClientEarth, Friends of the Earth et Extinction Rebellion.

[5] V. la décision 2017/750 du Conseil constitutionnel du 23 mars 2017

[6] Tribunal judiciaire de Paris, 1ère ch., 4ème sect., 5 décembre 2023, n° RG 21/15827, Sud PPT c. La Poste.

[7] Les premières décisions rappellent l’importance de la concertation entre la société et les parties prenantes. Il en ressort que l’assignation doit être précédée d’une mise en demeure, à peine d’irrecevabilité de la demande : (i) les demandes formulées dans la mise en demeure devraient être les mêmes que celles formulées dans l'assignation, (ii) la mise en demeure doit viser précisément la société et son représentant, (iii) les parties à l'assignation devraient être les mêmes que celles qui ont envoyé la mise en demeure (une mise en demeure devient caduque si le plan de vigilance a été actualisé lors de la signification de l’assignation, et doit faire l’objet d’une nouvelle mise en demeure), et (iv) les demandes devraient être suffisamment précises. La mise en demeure est conçue comme un instrument de nature à faciliter le dialogue entre la société et les parties prenantes, afin de permettre à la société de sa conformer à ses obligations, répondre aux critiques qui lui sont adressées, et modifier son plan de vigilance ; en cas d’échec de cette phase préalable de dialogue, la voie judiciaire est ouverte. Tribunal judiciaire de Paris, 4ère ch., 1ère sect., mise en état, 30 novembre 2021, n° RG 20/10246, EDF Mexique ; Tribunal judiciaire de Paris, jugement rendu en état de référé, 28 février 2023, n° RG 22/53942 et 22/53943, Total Uganda ; Tribunal judiciaire de Paris, 5ème ch., 2ème sect., mise en état, 1er juin 2023, n° RG 22/07100, Suez Chili ; Tribunal judiciaire de Paris, 5ème ch., 2ème sect., mise en état, 6 juillet 2023, n° RG 22/03403, Total Climat.

[8] Cour d’appel de Paris, Pôle 5 Chambre 12 (contentieux émergents – devoir de vigilance et responsabilité écologique), 8 juin 2023, RG 21-22319 EDF Mexique, n°RG23-10583 Suez Chili, n° RG23-14348, TotalEnergies Climat.

[9] L’assignation aux fins de modification du plan de vigilance ayant été délivrée à la SAS Suez Groupe, devenue la SAS VIGIE GROUPE alors que le plan objet du litige avait été établi et mis en œuvre par sa société mère, la filiale n’avait donc pas qualité à défendre l’action, la possibilité d’une régularisation n’ayant pas été utilisée.

[10] Article 27 et suivants

[11] V. supra la décision du Conseil constitutionnel précitée

[12] Article 29

[13] Pour une analyse détaillée, voir le rapport sur Le régime de responsabilité civile envisagé par la proposition de directive européenne sur le devoir de vigilance, Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris, 8 octobre 2023. A noter que ce rapport ne porte pas sur la version définitive de la directive.

[14] En France, une proposition de loi n°2229 visant à protéger la population des risques liés aux substances per-et polyfluoroalkylées a été adoptée, sous la précédente législature, en première lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat. Ce texte visait à réduire l’exposition de la population aux PFAS en interdisant, à partir de 2026, la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de certains produits contenant des PFAS, (dont les farts de ski, les cosmétiques, les textiles d’habillement et les chaussures), en appliquant le principe pollueur-payeur à l’effort de dépollution et en créant une contribution additionnelle sur les bénéfices générés par les industries rejetant des PFAS dans l’environnement. Ces restrictions ne devaient pas s’appliquer pas si les PFAS étaient présents à des niveaux résiduels sous un seuil qui aurait dû  être fixé par décret. Les débats ont conduit toutefois à exclure les ustensiles de cuisine du champ de la loi, dit amendement « SEB ». La proposition aurait dû faire l’objet d’une deuxième lecture et  être adoptée définitivement d’ici la fin de l’année 2024.mais elle est tombée du fait de la dissolution de l’Assemblée nationale  le 9 juin 2024. Rien n’empêcherait cependant qu’elle soit représentée ultérieurement si le Gouvernement ou les parlementaires le décidaient.

Par ailleurs, une réglementation européenne pourrait aboutir au  plus tôt à l’horizon 2027/2028.

[15] V. également  en ce sens le Rapport sur les dispositifs de transparence extra-financière des sociétés du Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris, Juillet 2022.

[16] CA Paris, pôle 5 – ch. 4, 20 mars 2024, n° 22/10771.

[17] Dorris et al. v. Danone Waters of America, SDNY, Case 7:22-cv-08717-NSR.

[18] V. la loi n°2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée et la circulaire de la direction des affaires criminelles et des grâces de politique pénale, en matière de justice pénale environnementale en date du 9 octobre 2023.

[19] V. le colloque qui s’est tenu le 20 novembre 2023 à la Cour de cassation sur ce sujet (Vidéo en ligne sur le site de la Cour de cassation, Colloques/Environnement).

[20] Toutefois dans un jugement en date du 22 décembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande d’astreinte  présentée par trois associations requérantes pour assurer l’exécution du jugement du 14 octobre 2021, considérant que si l’Etat n’a pas complètement réparé le préjudice résultant du dépassement du budget carbone pour la période 2015-2018, le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre constaté en 2023 ne rendait pas nécessaire le prononcé d’une mesure d’exécution supplémentaire.

[21] In « L’environnement : les citoyens, le droit, les juges - Regards croisés du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation » Mai 2021 (vidéo en ligne sur le site de la Cour de cassation, Colloques/Environnement).

[22] L’AFMJE a organisé le 9 décembre 2023 une conférence inaugurale sur le thème : « Le climat : la justice pour quoi faire ? ». Ont notamment été soulignés l’illisibilité du droit pénal de l’environnement, la difficulté de prouver les éléments constitutifs de l’infraction, l’absence de référence normative pour les contentieux climatiques au sens étroit du terme, le manque de moyens de la Justice et le nouvel essor que les contentieux RSE/ESG va donner aux actions en concurrence déloyale.

[23] V ; La directive (UE)2024/1069 du Parlement européen et du Conseil sur la protection des personnes qui participent au débat public contre les demandes en justice manifestement infondées ou les procédures  judiciaires abusives (procédures stratégiques altérant le débat public, dites procédures bâillons) (Strategic Law Suits Against Public Participation - SLAAPs)

Contentieux climatiques tendances et perspectives
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